Fatu Hiva, première escale aux Marquises.

18/02/2019 : Hanavave

Fatu Hiva

Après un mois de mer, il y a toujours beaucoup d’émotion à voir apparaître une terre à l’horizon. C’est d’abord un nuage, puis au fur et à mesure qu’on avance, une ombre, puis enfin quelque chose qui casse la ligne rectiligne de l’horizon, et qui petit à petit grossit, grossit et finit par devenir une île tout au loin. On a volontairement ralenti le bateau qui déjà n’allait pas bien vite, et passé une nuit supplémentaire en mer pour avoir ce plaisir et cette magie de l’approche au petit jour.
Il y a toujours cette petite angoisse lorsqu’on arrive à un endroit qu’on ne connaît pas. Bien sûr, il y a la carte, qui désormais est d’une grande précision, mais entre l’idée qu’on se fait de l’endroit et la réalité, il y a toujours une grande différence.

Omoa, petit village français de 300 habitants perdu au bout du monde sera notre première escale. Sur la carte, la baie s’appelle « Baie du bon repos » . Un endroit prometteur. Malheureusement, la baie est peu abritée, mais la chance est avec nous. Le vent est complètement tombé la veille, ce qui a rendu le mouillage agréable et relativement sûr.
L’endroit est incroyable. Un petit village, tapi en bordure de mer au pied de la montagne, dans une végétation d’un luxuriance encore jamais rencontrée. Un grande cocoteraie en toile de fond, à flanc de montagne qui culmine à 1200 m. Tout est vert. Les maisons sont à peine visibles. Et puis les sommets très pointus laissent une impression étrange de haute montagne, mais en réduction.
Depuis sept ans que nous sommes partis, nous avons fait nombre d’escales. Mais jamais, jamais, nous n’avons rencontré des gens d’une si grande gentillesse. Nous avons été accueillis de façon incroyable. Certes, c’était le week-end, et tout le monde était dans son jardin à prendre le frais et aussi malheureusement pour certains à se rafraîchir un peu plus que de raison, mais, nous avons été invités chez tout le monde, et nous avons du refuser quelquefois. Il nous a fallu l’après-midi entière pour remonter la rue principale, et nous sommes revenus les bras chargés de pamplemousses, mangues, papayes, citrons verts, et autres avocats, sans parler du régime de bananes.

N’ayant pas la barrière de la langue, nous avons échangé tout l’après-midi avec les gens sur leur mode de vie, leur culture ancestrale, et aussi leurs difficultés quotidiennes.
A Fatu-Hiva, la nature assure une subsistance à portée de mains. Les fruits à profusion et toute l’année qu’il suffit de cueillir soit dans son jardin, soit sur le bord de la route, soit dans la forêt, car ici, un arbre sur quatre ou cinq est un arbre fruitier. La viande qu’il faut chasser, car les cochons et les chèvres sont sauvages, mais en grande quantité, et tout le monde à sa carabine dans la voiture. Le poisson qui malheureusement se fait plus rare, car des droits de pêche ont été vendu aux Japonais et aux Chinois qui surexploitent la réserve de thons. Et puis, les légumes qu’il faudrait planter, car tout pousse pour qui veut bien s’en donner la peine. Et enfin, la noix de coco, qu’on appelle localement le coprah, qui est cueilli, séché et envoyé à Tahiti pour produire soit de l’huile, soit du lait ou de la crème de coco, soit du monoï.

En revanche, les difficultés viennent de l’éloignement. Nous avons rencontré trois femmes qui toutes nous ont parlé de la difficulté d’être séparées de leurs enfants. En effet, si l’école primaire est bien assurée dans le village, il faut envoyer les enfants en pension à Hiva-Oa île distante de 80 km dès la sixième pour le secondaire. Et les enfants ne rentrent qu’aux vacances soit à peu près toutes les sept semaines. Et puis ensuite, il faut aller à Tahiti pour le lycée, Tahiti éloigné d’environ 2000 km. Et enfin, quand les enfants sont en âge de travailler, c’est soit à Tahiti, soit en métropole, car beaucoup s’engagent dans l’armée. Et puis les enfants se marient sur place, et ne reviennent plus, car les billets d’avion sont très chers. Alors les mères sont souvent seules.
Nous sommes restés tout le week-end à Omoa, et franchement, on aurait aimé prolonger notre séjour. Malheureusement, notre histoire de panne de barre nous empêche de nous attarder, car nous avons rendez-vous avec le chantier à Hiva-Oa, une île à 40 milles dans le nord de Fatu Hiva. Toutefois, pas question de quitter Fatu Hiva sans faire escale à Hanavave, le deuxième village de l’île dans la fameuse baie des vierges.

La baie des vierges est sans doute la baie la plus connue des Marquises dans le petit mode des « tourdumondistes ». D’aucuns vous diront que c’est une des plus belles du monde. Certes le paysage est assez exceptionnel, mais il faut raison garder. Contrairement à Omoa, la baie des vierges est très bien protégée de la houle. C’est une baie tout en longueur, très encaissée entre deux falaises formées de pitons rocheux et de cheminées de lave avec le petit village d’Hanavave au fond, le tout dans une verdure incroyable. C’est très très beau. D’autant que ne ne sommes que six voiliers. Dans les mois à venir, il y aura ici pas moins de quinze à vingt bateaux au mouillage, et bien évidemment, le charme ne sera pas le même. D’ailleurs, on se demande bien comment on peut mouiller vingt voiliers dans un endroit si petit, sachant que les fonds sont de tenue très moyenne, voire assez mauvaise en avant de la baie, et que celle-ci est parcourue très régulièrement de rafales très violentes qui descendent de la vallée, et qui font chasser les ancres.

Encore une fois, nous sommes chanceux, car nous éviterons tous ces désagréments, mais l’escale sera courte. Il faut faire route sur Hiva-Oa pour réparer.



Article précédent Article suivant
Ker Yamm autour du monde