29 jours et 2 heures plus tard !

16/02/2019 : Fatu-Hiva (Les Marquises)

Ker Yamm

Notre première impression : enfin ! Et heureux.
Car une transpacifique, c’est long, et encore plus long pour nous, car on a dû faire toute la deuxième partie à allure réduite, sous réparations de fortune, et avec la peur au ventre que tout casse de nouveau.
Le 2 février, au quinzième jour, la mer était forte, avec une houle croisée de 3 mètres travers et trois quart arrière. Rien d’extraordinaire, mais pas confortable non plus. Mais ça durait depuis quelques jours déjà. Et puis, en début de soirée, un train de vagues beaucoup plus fortes que les autres a couché le bateau qui a fait une embardé incroyable. Et dans le même temps, on a entendu une sorte de déflagration puis une seconde quelques secondes plus tard.
Quand le bateau s’est redressé, stupeur ! les deux chaînes de la barre et du pilote étaient cassées. Plus de barre, plus de pilote, et la terre la plus proche à 1500 milles.
Vite vite, il a fallu bloquer le safran qui cognait à droite et à gauche avec la houle. Affaler les voiles. Puis faire un inventaire de la casse : la chaîne de la barre a cassé en deux au niveau du pignon de l’axe de la roue, et la chaîne du pilote a cassé au niveau du raidisseur qui est complètement inutilisable. Et soulagement, il n’y a pas de blessé.

Le premier réflexe a été d’appeler le CROSS Griz-nez, la structure de secours pour les navires français hors des zones côtières, pour signaler un navire en difficultés. Des gens professionnels, mais qui laissent peu de place au doute. Le temps d’expliquer la situation, ils nous ont présenté les deux seules possibilités: soit vous trouvez une solution pour continuer, soit vous demandez assistance, et dans ce cas on détourne un navire de commerce pour vous récupérer, et... vous abandonnez votre bateau et toutes vos affaires. Le choc absolu !

D'un commun accord, on s’est laissé une nuit de réflexion pour prendre une décision.

Il nous a fallu quatre heures de travail dans la nuit pour trouver une solution et réparer les deux chaînes. La première en récupérant une attache rapide sur la seconde, et la seconde en récupérant des pièces qu’on a démonté ailleurs sur le bateau : ridoir de filière, boucle textile en dynemaa et un anneau que j’ai trouvé miraculeusement dans ma boite à outils et qui se vissait sur le ridoir. Et puis, à coup de Dremel pour la découpe des maillons cassés et l’ajustage de tout ce bazar sur la chaîne, le système a été reconstruit puis réglé et réaligné sur le safran et le pilote.

A la vacation du matin avec le CROSS, nous avons pris la décision de continuer notre route à petite vitesse, la boule au ventre à chaque vague un peu plus grosse qui sollicitait un peu trop le pilote. Et puis, les jours ont passé, la mer a fini par se calmer, le vent a tourné sur l’arrière, et le beau temps est revenu. Le stress a diminué, sans vraiment disparaître. Nous avons passé une dernière semaine paisible, et nous voila arrivés aux Marquises. Enfin ! et heureux d’avoir vaincu le sort.

Alors, nous demander comment c’était : long et stressant. Si on y a pris du plaisir : pas vraiment. Notre sentiment : très heureux d’y être, mais surtout très heureux d’avoir atteint notre but, naviguer en Polynésie française avec notre bateau.

Nous voici donc à Fatu-Hiva notre première île. Deux villages pour 600 français perdus au bout du monde. Ici, nous sommes encore à 750 milles de Tahiti soit plus de 1400 km. Au bout du monde, je vous dis !



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