Il pleut. Fort. Et même plus à certains moments. Et quand il ne pleut pas, il fait gris, et « ça menace » toujours. Après presque cinq
semaines passées
à Bonaire sans une goutte de pluie et plutôt dans la poussière, c'est un changement brutal. Pour le coup, le bateau est bien propre et bien dessalé.
Nous sommes arrivés à Colon dimanche après midi, après trois jours bien ventés au départ, et deux jours de pétole à l'arrivée.
Il y a deux ans,
pour rejoindre Carthagène en Colombie, on avait expérimenté cette route en prenant une option très à terre, option qui s'était avérée
dirons-nous « praticable ». Cette fois-ci, nous avons tenté le passage au large en suivant la ligne de fond des 3000 mètres. Une route
extrêmement
rapide sur le fond, car au nord d'Aruba on a récupéré 2 noeuds de courant favorable. Bilan, 180 nautiques au compteur en 24 h. En revanche,
on s'est fait bien secouer par une grosse houle de 3 à 4 mètres.
Une belle navigation cependant, mais aussi une belle pêche avec trois jolis poissons, un thon jaune de 3 kg et deux tazards de 90 cm. Si bien que le bateau est de nouveau en configuration usine pour faire des conserves, les frigos et le congélateur étant "au taquet" dans l'optique du passage dans le Pacifique.
Arrivant en pleine journée, l'approche du canal s'est bien passée. Il y a un nombre important de cargos, mais on les voit de loin. Juste un
peu de crispation dans la passe, puisqu'on a dû se faufiler entre deux cargos qui sortaient du canal.
Nous avons pris l'option de lassistance d'un agent maritime pour régler nos formalités de passage du canal. Cest un peu plus cher, mais
surtout beaucoup plus simple, car il n'y a rien d'autre à faire que d'attendre son tour. Arrivés à la marina de Shelter Bay le dimanche,
un inspecteur du canal s'est présenté dès le lundi matin pour mesurer le bateau et vérifier un certain nombre de points pour la traversée.
Dès le lundi soir, nous avions notre date de passage. Dix-sept jours d'attente. Attente qu'on a décidé de passer tranquillement à la marina.
Le passage des écluses du canal est redouté par beaucoup, car les voiliers passent dans les mêmes écluses que les cargos, et surtout en même
temps. C'est donc très impressionnant, et quelquefois très mouvementé. Comme beaucoup, nous nous sommes fait embaucher comme équipiers sur
un voilier pour une découverte préalable des éventuels problèmes qui peuvent de poser. Bien nous en a pris, car cela na rien dévident.
Tout d'abord, chaque voilier doit avoir à son bord quatre équipiers, un barreur, plus un "adviser" du canal, qu'on appelle communément
le pilote. A l'entrée du canal, il y a trois écluses qui se succèdent. On sort de la première pour rentrer dans la suivante et ainsi de
suite. Chaque écluse nous fait monter de 10 m, et donc à la sortie de la troisième écluse, on se rerouve sur le lac Gatun, 30 m plus haut
que l'océan. Une fois sur le lac, le trajet pour atteindre les écluses descendantes vers le Pacifique fait 35 milles soit environ 60 km.
Et là, même chose qu'à la montée, trois écluses pour descendre au niveau de l'océan, Pacifique cette fois-ci. Et pour finir, la dernière
manoeuvre, débarquer le pilote sur la pilotine et les équipiers sur une barque à Balboa.
Ici, à Shelter Bay, nous sommes un peu au bout du monde. La marina a été construite dans l'ancien camp américain de Fort Sherman, qui à l'ouest de la baie de Colon se trouve en pleine jungle. A nous donc les moustiques, le cri des singes le matin et le soir, les ballades en forêt sur les anciennes pistes du camp, mais aussi le silence loin des bruits de la ville. Toutefois, pas question de se baigner dans la marina, ni même de s'y mettre à l'eau pour deux ou trois bricoles sous la coque, car un crocrodile vient se ballader de temps à autre autour du bateau. Pas très gros, certes, mais enfin, ce nest pas très rassurant. On se contente donc de la piscine et du club house pour se rafraichir.
Dix-huit jours sont passés, et nous voici à notre tour côté Pacifique dans la baie de Panama City. Le passage s'est effectué dans
les meilleures conditions. Notre pilote était sympa, les équipiers également. Et chose importante, nous avons tout fait dans la même journée,
avec un départ tôt le matin.
Impressionnant Panama City avec ses building tout le long de la côte. En revanche, le mouillage n'a vraiment rien d'agréable.
L'eau est sale, le clapot est permanent, on mouille au milieu des cargos et autres barges et toujours ce ciel d'orage. L'objectif est donc
de partir le plus tôt possible.
Un petit tour au mall d'Albrook, le plus grand centre commercial qu'on n'ait jamais vu. Un supermarché de taille raisonnable, mais une
succession de centaines de magasins, où on a fait réparer nos lunettes, acheté un appareil photo, la batterie du nôtre ayant laché,
acheté des chaussures etc.
Bref, nous voici fin prêts à partir. Ce sera pour demain, car on doit récupérer nos papiers de sortie dans la matinée. Devant nous, 4000
milles, soit un peu moins de 8000 km, et entre 30 et 35 jours de mer pour atteindre Mangareva aux Gambier, un archipel au sud de la
Polynésie francaise. En effet, on a écarté l'idée de s'arrêter aux Galapagos. Trop cher et surtout trop compliqué administrativement.
Dommage, car c'est une étape qui coupe bien la route en deux parties.
Alors on se dit, avec un peu d'angoisse tout de même, « Bon vent à nous ».