Chapeau bas à ces messieurs* du secours en mer

16/10/2013 : Le Marin, Martinique

Keryamm

La vie ne serait pas un long fleuve tranquille, dit-on. Un tour du monde à la voile non plus, semble t-il. Trois fois nous sommes partis pour le Pacifique, regardant bien derrière nous les côtes qui s'éloignaient, en se disant qu'on repasserait peut-être un jour par là. Trois fois nous nous sommes dit qu'enfin nous étions sur le chemin de notre rêve. Trois fois nous avions avitaillé le bateau pour les trois mois à venir, au point qu'il était chargé à la limite du raisonnable pour qui veut encore prendre un peu de plaisir à la voile. Eh bien, pour la troisième fois nous sommes revenus en Martinique, mais cette fois-ci en urgence pour un problème de santé.

Nous avions déjà eu affaire une première fois aux autorités sanitaires maritimes. Cette fois-là, il n'y avait pas eu d'urgence absolue contrairement à ce dernier rapatriement. Cette fois-ci, les choses ont été beaucoup plus compliquées, et il faut saluer l'organisation et la compétence de nos services français de secours en mer.

Nous étions donc enfin partis vers notre Pacifique tant désiré en faisant du cabotage le long des îles du sud de la Caraïbe. Après deux escales, nous en étions au mouillage de Tyrrel Bay sur l'île de Carriacou au nord de Grenade. Après quelques signes avant coureurs, mon état de santé s'est fortement dégradé, et comme le veut la procédure, nous avons appelé le CROSS** Griz-Nez par téléphone satellite pour avoir une consultation médicale. Quelques minutes plus tard, le CROSS nous rappelait en conférence à trois avec un médecin du CCMM***, organisme rattaché au SAMU de Toulouse et chargé des consultations médicales des marins en mer. Le travail du médecin n'est pas très facile, car il n'a aucune possibilité d'examiner le patient, et le traitement est basé sur l'état de la pharmacie du bord. Toutefois, les médecins du CCMM sont rompus à ce genre d'exercice, et, sans aucune réserve, il faut saluer leur compétence.

Bref, après une bonne demi-heure de questions-réponses, d'échanges sur les possibilités qui s'offrent à nous, nous décidons conjointement de reprendre la mer d'urgence et de remonter sur la Martinique. La météo le permet, l'état du skipper également. Seule inconnue, même si le médecin est rassurant, personne n'a évoqué clairement les solutions en cas de dégradation. A posteriori, à la lumière des questions posées par le personnel du CROSS, un plan avait été mis en place, mais n'avait pas été évoqué pour éviter au maximum les inquiétudes du bord.

Nous appareillons donc à 7 heures du matin, et pendant toute la remontée sur La Martinique, le CROSS nous appellera toutes les quatre heures pour faire le point. Nous ferons également un point avec le CCMM à minuit. Ce qui est assez remarquable, c'est que, malgré que notre dossier ait été transmis au CROSS Antilles Guyane qui a géré la fin du rapatriement, malgré qu'il y ait eu des changements de services tant au CROSS qu'au CCMM, nos interlocuteurs étaient toujours informés parfaitement des détails du dossier. L'heure estimée d'arrivée a été fixée à 4:30 h du matin, et toutes le procédures d'arrivée ont été organisées en fonction de cet horaire.

Lors de la vacation de minuit, le médecin nous a informés qu'il avait eu le SAMU de Martinique au téléphone, qu'il lui avait transmis tous les éléments du dossier, et que les pompiers me prendraient en charge dès mon arrivée au port du Marin. Le CROSS de son côté m'a précisé qu'il avait appelé la marina pour me réserver une place à quai et prévoir du personnel pour m'aider à accoster. Il s'est également enquis de savoir si je connaissais bien le chenal d'accès qui est assez compliqué la nuit.
Je ne pense pas qu'on puisse être plus professionnel. Seulement voilà, à partir du moment ou nous sommes arrivés en Martnique, rien n'a plus vraiment fonctionné. Les services de la marina étaient absents, et le CROSS a dû réveiller le patron pour que je puisse me mettre à quai. La porte du ponton était fermée à clé, et les pompiers n'y avaient pas accès. Enfin, j'éviterai de parler du service des urgences de Fort de France. Outre le fait qu'ils étaient en grève, il faut espérer que la qualité des soins n'est pas à l'image de la propreté et de l'entretien des locaux. J'en suis sorti 6 heures plus tard avec... une ordonnance pour consulter un spécialiste.

Une semaine plus tard, les choses se sont améliorées, mais après consultations, conseils des proches et de quelques professionnels de ma connaissance, j'ai pris la décision de me faire opérer pour pouvoir continuer notre périple. Ce serait de l'inconscience de vouloir continuer en l'état. Rendez-vous est pris à la clinique pour le 4 novembre prochain. Un nouveau départ serait de ce fait possible au début du mois de janvier 2014. Restons donc positifs et optimistes. On le disait plus haut, la vie n'est pas un long fleuve tranquille, notre voyage non plus.

Il va de soi que nous n'allons pas nous quitter comme cela, et que de toute évidence, nous voyagerons quelque peu pendant mes deux mois de convalescence. Nous avons ici des amis avec qui nous allons pouvoir naviguer de conserve. Pas de crainte donc, nous allons nous revoir.


* au sens neutre du terme, ce qui inclut bien évidemment les dames.
** CROSS : Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage
*** CCMM : Centre de Consultation Médicale en Mer



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